La pensée est un outil, elle devrait donc être au service du maitre que nous sommes. Elle devrait se mettre en route pour remplir leur fonction, puis s’éteindre lorsque nous le souhaitons. Très bien, d’accord alors puisque nous sommes les maitres, livrons-nous ensemble au petit exercice suivant: arrêtons de penser pendant une minute.
Tout Occidental novice dans cet exercice arrive en général à la conclusion suivante : cet exercice est impossible, puis d’enchainer: les pensées sont inarrêtables. En effet, ce simple exercice nous fait prendre conscience que nous ne sommes pas les maitres en nous, la pensée s’impose à nous.
Un torrent incontrôlable
La réalité est la suivante: les pensées s’enchainent sur un rythme rapide et incessant et nous sommes esclaves de cette situation. Notre attention est constamment accaparée par nos pensées, sans même que nous nous en rendions compte. « Il faut que je pense à payer cette facture, mais je risque d’être à découvert, il faut que je vire de l’argent sur mon compte, mais est-ce qu’on aura assez d’argent pour partir en vacances, je n’ai pas envie de me retrouver avec tout le monde dans le sud de la France cet été, il faut que je convainque mon conjoint de partir à l’étranger, mais il est fatigué par son travail en ce moment, etc. »
Toute la journée, ce processus implacable suit son cours. En vous promenant sur les trottoirs des grandes villes, vous y verrez ce somnambulisme généralisé, chacun étant plongé dans ses pensées.
En observant un peu plus attentivement, nous découvrons même que nous n’avons que très peu de contrôle sur le contenu des pensées, celles-ci s’enchaînent mécaniquement sans nous demander notre avis. La plupart du temps, et sauf concentration volontaire sur un sujet donne, nous n’avons pas le choix du contenu qui s’impose à nous.
Bien qu’éveillés, nous vivons dans une sorte de sorte de sommeil, de torpeur, comme dans un rêve dont le contenu s’impose à nous, notre attention étant constamment hypnotisée par l’enchainement des pensées
Des pensées omniprésentes
La pensée règne ainsi sur nos vies et vient se surimposer sur tout ce que nous vivons. Au restaurant, si nous goûtons un nouveau plat, nous nous mettons tout de suite à commenter, à penser: « Cela me rappelle ce plat que j’avais mangé chez un tel, j’aurais bien fait cuire un peu plus, etc. »
Si nous contemplons une œuvre d’art, la pensée embraye: « Ah, j’aime bien les impressionnistes, il faudrait que je mette une reproduction dans mon salon, mais il faudra que je demande l’avis à ma femme, etc. » Si l’on essaye de ressentir une partie de notre corps, on se met rapidement à penser à cette partie du corps puis à digresser vers d’autres sujets.
Si nous voyons une belle fleur: « Ah, qu’elle est belle, cela fait longtemps que je n’en ai pas vu de si jolie, comment s’appelle-t-elle, il faut que je m’en souvienne », etc. Tout ce qui est de l’ordre du contact direct avec la vie est immédiatement récupéré par la pensée et disparait de notre champ de perception pour laisser place à des pensées qui commentent ce qui se passe.
Nous vivons notre vie à travers la pensée. Elle s’impose à nous en permanence et commente notre vie sans nous permettre de la Vivre directement, réellement.
Continuons ensemble à découvrir comment se déroule la vie sous la dictature de la pensée.
« Celui qui porte un gant touche-t-il vraiment ? »
Confondre la pensée et la réalité objective
« Le Soleil tourne autour de laTerre », voilà ce qu’ont cru les hommes pendant des siècles. Lorsque nous pensons le monde, nous le représentons de façon virtuelle. Nécessairement, cette représentation ne peut pas refléter exactement le monde. Parfois, nos pensées donnent une représentation complètement fausse du monde, comme dans l’exemple du Soleil qui tourne autour de la Terre.
Parfois, nos pensées donnent une représentation plus ou moins probable du monde: « Ma voiture est devant la boulangerie »; sauf événement peu probable, ma voiture devrait effectivement être garée devant la boulangerie, mais ce n’est pas certain. Mon train part à 8h 35 », cette pensée reflète probablement la réalité à venir, mais il est bien possible qu’il y ait du retard.
Gardons toujours en tête que nos pensées reflètent plus ou moins bien la réalité et qu’elles peuvent se tromper.
L’erreur à ne pas commettre
Une grave erreur consiste à confondre ce que nous pensons avec la réalité. Nous passons nos journées et nos vies à penser, et de façon insidieuse, nous nous mettons à croire que nos pensées représentent fidèlement le monde, que nos pensées disent la vérité. Commençons par découvrir ensemble que cette erreur est bien plus fréquente qu’il n’y parait.
Bien sûr, vous connaissez sans doute toutes sortes de croyances passées auxquelles beaucoup croyaient dur comme fer et qui se sont révélées tout à fait fausses en réalité: le Soleil tourne autour de la Terre, l’homme ne peut pas s’envoler dans le ciel, il est impossible qu’un homme se déplace à plus de cent kilomètres par heure, etc. Découvrons maintenant, à travers quelques exemples, comment se glisse si discrètement dans notre quotidien l’erreur classique.
« Ce que je pense est la vérité », ou encore dit autrement, « ce que je pense décrit fidèlement la réalité » :
– « Mais ce n’est pas possible ! »
Si nous arrivons devant la boulangerie et que notre voiture n’est pas là, comme nous le pensions, nous nous exclamons : « Mais C’est pas possible ! » Nous faisons une telle confiance à nos pensées que notre premier réflexe est de nier la réalité si celle-ci ne correspond pas à ce que disent nos pensées.
Les choux de Bruxelles, ce n ‘est pas bon.
Une pensée nettement plus juste serait: « Je n’aime pas les choux de Bruxelles mais d’autres pourraient aimer, chacun ses gouts. »
-Cette personne n’est pas belle. » Une pensée plus juste serait: « Cette personne ne me séduit pas par son physique. »
– « L’astrologie, c’est n’importe quoi. » Une pensée plus juste serait: « Le peu que je connais de cette discipline ne permet pas de savoir si elle est authentique ou non, seul un examen approfondi de cette discipline me permettrait d’avoir un avis plus solide. »
-Les hindous sont perdus dans le polythéisme, adorant toutes sortes de dieux. Une pensée plus juste serait: « Le peu que je connais de la religion hindoue me laisse à penser qu’ils adorent plusieurs dieux, mais seul un examen approfondi me permettrait d’en savoir plus. »
Bien évidemment, vous trouvez cela évident, mais si vous êtes vigilant, vous découvrirez dans votre quotidien que de temps à autre vous pouvez aussi être victime de cette illusion qui consiste à croire que ce que l’on pense est absolument vrai.
Un jugement trop rapide
Dans votre quotidien, en étant attentif, vous pourrez surprendre les erreurs de la pensée qui sont plus nombreuses qu’on ne le suppose. Par exemple, vous roulez dans votre voiture, et vous voyez dans votre rétroviseur une voiture qui double les autres voitures en se faufilant rapidement, la pensée vous vient: « voilà un fou du volant »; quand la voiture passe à votre niveau et vous double, vous découvrez sur le siège passager une femme enceinte en train de souffler et sur le point d’accoucher. Alors, fou du volant ou non ?
